lundi 5 novembre 2007

Test - 05/11/2007 - Marie-Reine-du-Monde mais plus de Montréal

Son nom répond au monumental de son intérieur. Basilique Marie-Reine-du-Monde. Il sonne comme la fin de toutes choses, comme les trompettes d’une apocalypse tant attendue. Et elle sera alors la chapelle fameuse de la plus sainte des vierges, au chapitre de laquelle le sacré d’antan enchantera à nouveau tous les cœurs et toutes les âmes. Mais pour l’instant, elle n’est qu’une superbe basilique aux riches ornements sur un continent matérialiste, dont l’entretien coûte de rondelettes sommes. L’ultime krak des églises du Canada, celle qu’on ne transformera jamais en condos spacieux, celle dont on ne ferme pas encore les portes en semaine.

Pèlerins, fidèles, touristes ou athées amateurs d’architecture ne peuvent s’empêcher d’être saisi d’un émoi certain en voyant le lustre de sa nef, l’éclat de ses bas-reliefs et le doré de ses latines citations, cinglantes incantations sacrées. Alors que pouvaient bien être par le passé, la ferveur d’un peuple qui entrait en son sein pour communier avec Dieu et découvrait ces voûtes géantes, ces scènes de la Bible peintes superbement sur des pans de mur, ce dôme immense montant aux nuées, ce palais luxueux dont on leur ouvrait les portes tous les dimanches ? Quelle sensation d’intense béatitude, il vivait en foulant ces dalles froides, claire mais finement ouvragées, lui qui avait l’habitude d’un intérieur spartiate, d’un parquet craquant, souvent d’un sol en terre battue ?

Pourtant, une fois frappé par son flamboyant, un examen un peu plus détaillé de son intérieur brise le mythe, lui donne un aspect de décor de cinéma. Il suffit pour cela de tapoter légèrement une de ces gigantesques colonnes de marbre qui allègent et élancent toute la structure pour découvrir, pantois, qu’elles ne sont faites que d’un grossier plâtre. Sur certaines d’entre elles, quelques écorchures, blessures du temps, laissent entrevoir la pièce que nous joue la basilique : le blanc du plâtre, éclat bien pâle au milieu d’un marbre simulé, trompeur. Un genre de Dix Commandements en carton-pâte, un péplum servi par un architecte qui aurait pu être Cécile B. Demille. Et alors que les orgues crachent leur souffle mélodieux, sur l’autel, un Charton Eston en robe de bure semble hurler : mais Dieu existe-t-il encore ? Au pied de la colonne, une poussière blanche s’accumule tranquillement. Tu es né poussière et tu retourneras poussière. L’homélie se termine sur un marché de dupe.

La trompeuse basilique Marie-Reine-du-Monde est esseulée. Elle paraît bien petite et son parvis minuscule au cœur de la métropole québécoise. Elle a l’air apeuré, cernée par les symboles monolithiques d’une société laïque et capitaliste. Ces tours phalliques font danser sur les rondeurs de son dôme de cuivre vieilli les souvenirs sombres du viol qu’elle a dû subir, de sa perte de statut de merveille architecturale de Montréal. Elle a beau se dresser, essayer de relever la tête, elle n’arrive plus à dépasser ses imposantes voisines, nouveaux temples païens, nouvelles maîtresses de la ville. Et c’est presque par hasard, au détour d’une large rue qu’on la découvre, qu’on se souvient de son existence. Parce qu’on ne la voit plus, perdue qu’elle est dans ce Québec qu’elle a réglementé, mis au pas et qui l’oublie toujours en peu plus.